Livre Phytofar 75 ans
A l’occasion de son 75ème anniversaire en 2016, Phytofar a demandé à Paul Muys, ancien journaliste de la VRT, d’écrire un livre sur le passé, le présent et l’avenir du secteur des produits de protection des plantes en Belgique. Et pour le dire avec les mots de l’auteur : « Ce livre rend hommage aux nombreuses personnes, parfois déjà presque tombées dans l’oubli, qui ont permis à l’association d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Ces personnes, dont la clairvoyance nous a toujours permis, hier, aujourd’hui, mais aussi demain, d’accorder toute notre confiance à notre alimentation, notre agriculture et notre horticulture. »
Ci-dessous, vous trouverez déjà quelques extraits et un lien vers la version en ligne du livre.
Aussi vieux que l’agriculture, c’est dire
L’utilisation des PPP est aussi vieille que l’agriculture elle-même. Cela a toujours été une question de survie à travers les siècles. En effet, une mauvaise récolte était synonyme de famine, et ce n’est qu’à partir du 20e siècle que l’on a pu compter sur une aide alimentaire venue de l’extérieur. Selon John Unsworth, on trouve déjà des traces de l’utilisation d’insecticides il y a près de 4 500 ans chez les Sumériens (en Mésopotamie, une partie de l’Irak actuel). Ceux-ci utilisaient un mélange à base de soufre pour tenir les insectes et les mites à distance. De surcroît, les Chinois recouraient déjà bien avant le début de notre ère au mercure et à des mélanges à base d’arsenic pour lutter contre les poux, tandis que les agriculteurs de la Grèce antique et de l’Empire romain réalisèrent progressivement que la religion et la magie ne leur seraient d’aucun secours pour combattre les maladies des plantes et les insectes ravageurs.
Les premiers doutes
Progressivement, les fabricants de produits chimiques, en particulier les fabricants de produits phytopharmaceutiques, perdent leurs illusions. Ils réalisent que même le produit le plus efficace a toujours un prix pour la collectivité. Soit la biodiversité et l’environnement sont frappés dans une plus ou moins grande mesure, soit c’est notre santé que nous mettons en péril en recourant à ces produits. Une chose est certaine : les produits de protection des plantes ne constituent pas la panacée. Le mouvement écologique parviendra sur la distance à mobiliser une part importante de l’opinion publique. La science n’est pas en reste.
Glyphosate : entre efficacité et rejet
Le Glyphosate, donc. Passer quelques coups de fil à plusieurs initiés permet déjà d’obtenir pas mal d’informations générales. Au fil de l’enquête, il apparaît comme une évidence que Monsanto a mené une quantité considérable d’études avant de décider de commercialiser son Roundup, dont le glyphosate constitue la substance active. La société a également beaucoup communiqué sur le caractère inoffensif du produit pour l’environnement. En réalité, sa toxicité ne posait pas vraiment de problème, du moins sur la base des essais courants qu’il était possible de réaliser dans les années 70. S’agissant des effets sur l’environnement, on ne pouvait faire autrement à l’époque que de conclure que le produit était clean... Toutefois, le nombre de tests s’est accru et les mentalités ont évolué. C’est ainsi que des doutes ont commencé à poindre sur le caractère réellement propre du produit.
Est-il vrai que l’industrie a le loisir de réaliser ou de financer elle-même des études ?
M. Trybou : C’est exact. Mais les laboratoires qui réalisent ces études doivent faire montre de transparence dans les rapports qu’ils remettent et subir des contrôles à cet effet. Qui plus est, ils sont tenus d’appliquer des protocoles d’essai bien précis, de manière à pouvoir comparer les résultats. Il serait impossible d’envisager que les autorités mènent ces études. Nous n’en avons tout simplement pas les moyens. Ceci dit, le système d’accréditation BPL (où BPL signifie bonnes pratiques de laboratoire), les exigences européennes en matière de données pour les substances actives et les pesticides permettent aux laboratoires de monter un dossier cohérent sur lequel les autorités compétentes peuvent s’appuyer.
Le producteur de produits de protection des plantes.
Il va de soi que l’on tend également l’oreille du côté de l’industrie elle-même. Il faut savoir que la mise sur le marché d’un produit de protection des plantes (une substance active et la formulation afférente) prend au moins 10 ans et coûte dans les 250 millions d’euros, voire plus. C’est toujours la même rengaine que nous répètent tous nos interlocuteurs. Ces 250 millions d’euros ne correspondent d’ailleurs plus tout à fait à la réalité. « Faites la comparaison avec les produits pharmaceutiques, nous dit-on parfois. Il faut là aussi des années avant que les médicaments ne trouvent le chemin des pharmacies, et leur développement coûte une fortune. Or, pour les produits de protection des plantes, ce n’est pas seulement au bien-être physique de l’homme qu’il faut faire attention, mais aussi aux effets sur l’environnement... »
Quel est encore le rôle de la chimie dans toute cette histoire ?
G. Sterk : Nous ne pourrons jamais nous passer de produits chimiques. Il faut dire que nous avons à notre disposition, aujourd’hui, des moyens très sélectifs, donc efficaces. Mais il convient néanmoins d’adopter une approche réfléchie pour contrecarrer les phénomènes de résistance.
Risque ou danger
L’association insiste également sur la différence entre risque et danger. Il est évident que les produits de protection des plantes sont toxiques, et donc dangereux, bien que, depuis des années, l’industrie s’évertue avec succès de produire des produits présentant une très faible toxicité. Les produits de protection des plantes sont fatals pour les insectes et les champignons ciblés qui entrent en contact avec eux. C’est d’ailleurs le but. Les doses appliquées sont très faibles. Les produits actuels sont très ciblés et se dégradent rapidement. Considérez comme éternelle la devise de Paracelse : « Tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison. » Boire trop d’eau du robinet, pourtant garantie comme propre, peut aussi s’avérer fatal.
AgriRecover
Souhaitant faire une proposition positive dans le cadre de l’établissement des écotaxes en 1996, le Conseil d’administration de Phytofar décide de créer une asbl chargée de la récupération des emballages vides des produits phytopharmaceutiques. Sur proposition du président Bernard Demaire, il décide d’associer les distributeurs à ce projet. C’est Luc Michiels, ancien président de Phytofar, secondé par l’omniprésente et efficace secrétaire générale Georgette Detiège qui devient le premier président de ce qui était une première mondiale à l’époque et largement imitée depuis.
L’agriculture de précision et la protection des plantes
Dans les milieux agricoles, les conversations sur l’avenir en viennent très rapidement à tourner autour d’un concept très à la mode : l’agriculture de précision. Le monde anglo-saxon parlera de precision farming et les Allemands de Präzisionslandwirtschaft. Cela illustre le caractère international du concept. Je n’avais aucune idée au départ qu’un tel concept puisse exister ou soit en passe de voir le jour, et encore moins, bien que le nom soit assez évocateur, de ce qu’il comprenait. Mes interlocuteurs m’avaient déjà vanté tous les mérites du GPS, nous les connaissons tous aujourd’hui. Lors d’une consultation sommaire sur le web, j’avais également observé que l’on parlait de mettre à profit ces engins de guerre téléguidés que sont les drones, avec ou sans pilote, ainsi que des capteurs en tous genres et la robotisation. Lorsque l’on se penche d’un peu plus près sur l’agriculture de précision, il apparaît très vite que l’on ne voit pas les choses à l’échelle d’hectares entiers, mais plutôt à l’échelle de petits morceaux de terrain d’un mètre carré à peine, traités chacun de manière différenciée sur la base d’une masse de données collectées. Nous n’en sommes pas encore à traiter chaque plante isolément, mais nous avançons progressivement dans cette direction. L’agriculture de précision a inéluctablement des répercussions sur le secteur de la protection des plantes.
Les produits de protection des plantes existeront toujours en 2040 ou 2050. Tous les interlocuteurs sont d’accord sur ce point.
P. Jaeken : Le rôle de la chimie classique va devenir nettement plus modeste. Le processus est déjà pleinement en cours. Néanmoins, tout porte à croire, en effet, que la chimie sera encore bien présente, et plus encore : la biochimie. J’aime à comparer cette évolution à l’évolution fulgurante qu’a connue la médecine. Malgré sa rapide progression, nous avons toujours besoin de pilules contre le mal de tête. Notre façon d’appliquer la chimie sera très différente de ce qu’elle est aujourd’hui. L’esprit de clocher devra petit à petit disparaître. Dans certains cas, vous pouvez par exemple parfaitement fabriquer des solutions biologiques par des méthodes de synthèse classiques, et il arrivera de plus en plus fréquemment sur le terrain que différentes méthodes soient utilisées simultanément.
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